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Les carnets de Sev en Guyane (2) Ces femmes qui font la Guyane

Dans mon précédent post, j’explique comment les Guyanais se réappropriont leur territoire et y entreprennent. Je n’en ai pas pour autant oublié le sujet de mes recherches : ces femmes qui entreprennent… Qu’en conclure de mes rencontres ? Des femmes ancrées dans leur territoire mais qui ont la tête dans les étoiles !!!

Des Françaises différentes de celles de l’hexagones ?

A quelques % près, les femmes constituent peu ou prou la moitié de l’humanité et la place de Guyane ne fait pas exception… Elles y représentent 51% de la population recensée (source : INSEE, chiffres 2019). Par ce chiffre, je ne parle pas du tout des femmes autochtones qui vivent dans la profonde forêt guyanaise, zone interdite d’accès par la Préfecture. J’aimerais bien savoir mais je pense que c’est mieux de les laisser tranquille…

Qui sont-elles ? Que font-elles ? La plupart sont des Françaises (près de 70%) mais je ne sais pas si elles sont françaises de l’hexagone (traduisez la Métropole) ou natives de Guyane. J’ai envie de dire peu importe. Ce qui me frappe, c’est surtout d’aller à la rencontre d’une population qui est très différente sur un plan social des femmes de l’hexagone, à tel point que je me demande si cela est pertinent de les comparer avec ces femmes de l’hexagone ou, en tout cas, de les inviter à imiter ces femmes de l’hexagone. 

En quoi sont-elles différentes ? A trop vouloir accompagner les femmes, à dresser des programmes d’accompagnement « spécial femmes », on en oublie que derrière le mot « femme », il y a une multiplicité de personnes, en contexte, en personnalité… Bref, le XX n’explique pas tout et, à en croire les études en neuropsychologie, presque rien… et si la comparaison XY XX n’est plus de mise en recherche en sciences sociales depuis la fin des années 2010, la comparaison entre femmes de différents territoires, de différentes classes sociales ne vaut que si elle évite la comparaison avec un jugement de valeur, c’est-à-dire de noter qu’une partie est mieux que l’autre… Cette précaution prise, je partage ma compréhension « à date » de ces femmes et de leur spécificité…

Déjà, elles n’ont pas toutes un emploi déclaré (23% d’entre elles travaillent). Le journaliste qui présente ce chiffre explique que c’est lié au fait que bon nombre de femmes sont mères célibataires. Bref, ne pas oublier que la structure familiale de Guyane, qui a l’air très similaire de celles des caraïbes francophones, est particulière : Les hommes semblent absents. La déléguée du Préfet aux droits des femmes explique que les violences familiales sont souvent là et que les conflits se règlent aussi par la violence. Bref, la famille mononucléaire avec les parents et les enfants n’est pas la norme et les femmes sont souvent mères mais seules… 

On pourrait interpréter ce constat comme le signe d’un contrainte car il n’y a pas de soutien du conjoint masculin, pourtant nécessaire à l’entrepreneuriat des femmes (voir à ce sujet les tous premiers travaux que j’ai pu mener en accompagnant Anna Nikina dans sa thèse de doctorat et en collaborant avec Lois Shelton) et pourtant…

Des femmes émancipées amoureuses de leur terre

A défaut, ou en plus d’hommes, j’ai pu surtout rencontrer des femmes amoureuses de leurs terres, à commencer par Drupa que l’on pourra écouter très prochainement dans le podcast « Elles impactent » : Ancienne infirmière, elle transforme le cacao, de Guyane bien sûr, pour produire son propre chocolat… Shirley ensuite, autrefois mannequin chez Jean-Paul Goude, qui cumule deux activités dont la principale est l’exploitation agricole en mode permaculture.  Toutes deux parlent de leur métier avec passion, toutes deux racontent ô combien la culture de la terre et le travail agricole est difficile… lorsque l’on travaille seule !

Toutes ont des enfants. Elles ne parlent pas de leur conjoint mais la solitude qu’elles évoquent laisse penser qu’il peut y avoir un frère ou une fille qui aide mais… le soutien du conjoint n’est pas de mise. Là réside peut-être une forme d’émancipation.

Fait étrange, elles sont attachées à ces terres qui ne leur appartiennent cependant pas : elles louent des terres cultivées par leurs parents… Attachement à une terre mais attachement à leur famille, attachement… à leurs racines…

L’exploitation raisonnée des richesses de la Guyane : Enfin, elles prennent les rennes !!!

Des racines et des plantes, la Guyane en est riche ! Longtemps sous-estimées, est-ce un hasard si je n’ai repéré que des porteuses de projets qui réfléchissent à la valorisation raisonnée et réfléchie des ressources ? A commencer par celle dont l’idée a séduit le jury de l’évènement Big des Premières : Des cabanes touristiques dans la forêt guyanaise. L’idée questionne la métropolitaine que je suis : Oui, c’est exotique ; Oui, cela pourrait être porteur d’emplois et richesses mais… On ne sort pas du service proposé aux métropolitains et l’impact écologique mérite un vrai calcul…

Et pourtant, exploiter les vertus du Vétiver pour stabiliser les sols grâce à l’entreprise Vetitech, quel sens et quelle utilité ! Mieux travailler l’Awara, ce fruit d’un type de palmier que l’on trouve en abondance en Guyane, cela permet de générer des emplois et des produits culinaires ou cosmétiques avec une forte teneur en vitamine A. Notre carotte n’a qu’à bien se tenir ! Et cette idée est déjà bien exploitée par Mariana Royer et son entreprise, Biostratene : chercheures de preuves, fournisseurs de molécules, concepteurs de cosmétiques… Mariana, une Elizabeth Arden à sa manière, qui a, elle aussi embauché son conjoint !

Racines en Guyane mais avec des ramifications partout !

Marie-Anne Clair, dirigeante du CNES jusqu’en novembre dernier en a montré la direction, sur un plan concret mais aussi symbolique : Préparer l’avenir (d’Ariane 6 face à la concurrence des Space X et autres nouveaux entrants) mais dans la continuité (Ariane 5), clôturer des dossiers (Souyouz…) toujours pour emmener des satellites vers les étoiles.

Allez toujours plus haut, emmener toujours plus… Les femmes de Guyane sont naturellement cette posture. Sans doute est-ce lié à leur éducation : Lorsqu’elles ont pu le faire et jusqu’à encore très récemment, il fallait se rentre en Métropole… à 7000 km de chez elles. Certaines l’ont fait ; d’autres sont passées par le Québec, francophone, lui aussi mais un peu plus proche. D’autres Global Natives pensent leur business et leur vie en Guyane mais pitchent leur projet en Thaïlande… 

C’est peut-être aussi cela l’avenir de la Guyane : des femmes fortes et indépendantes, habituées à avancer seules, qui reprennent racines pour mieux s’élever au-dessus de la Canopée.


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Séverine Le Loarne-Lemaire (23 janvier 2024). Les carnets de Sev en Guyane (2) Ces femmes qui font la Guyane. Les carnets de Sev. Consulté le 9 juillet 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/vnrz


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